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Sapho-Massenet 2 CD

Sapho-Massenet 2 CD

Ref: CDRG199

SAPHO
MASSENET
pièce lyrique en cinq actes
livret de Henri CAIN et Arthur BERNEDE
d’après le roman d’Alphonse DAUDET



FANNY LEGRAND Renée DORIA
célèbre modèle parisien, soprano

JEAN GAUSSIN GINES SIRERA
un jeune provençal ténor
DIVONNE GISELE ORY
sa mère mezzo - soprano
CESAIRE ADRIEN LEGROS
son père basse
IRENE ELYA WAISMAN
sa cousine soprano
CAOUDAL RENE GAMBOA
un sculpteur baryton
LA BORDERIE CHRISTIAN BAUDEAN
un de ses amis ténor
LE PATRON JEAN-JACQUES DOUMENE
un aubergiste de Ville-d’Avray basse


Chorale Stéphane CAILLAT
Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine
direction: Roger BOUTRY



Il y a des disques devant lesquels on ne peut que s’incliner, frappé par l’adéquation évidente des interprètes au rôle qu’on leur confie. En entendant Renée Doria dans Sapho, il va de soi que cet enregistrement ne pourra jamais connaître aucun rival sérieux, sauf miracle à venir dans le domaine du chant français. Qui aujourd’hui serait capable d’être comme elle cette Fanny Legrand que Massenet conçut à l’intention d’Emma Calvé ? Bien sûr, madame Doria n’a jamais été une Carmen, mais peu importe. L’incarnation qu’elle grava en 1978 est proprement stupéfiante de vérité, à croire qu’elle avait elle-même rencontré Hortense Schneider – comme Massenet l’avait suggéré à Calvé – pour prendre auprès d’elle des leçons de vulgarité boulevardière afin de mieux jouer ce rôle. Renée Doria avait à l’époque 57 ans, chose quasi incroyable quand on entend aujourd’hui tant de sopranos qui seraient incapables à 30 ans d’émettre plus proprement le quart des aigus qu’elle lance sur ce disque. Evidemment, le passage des ans n’avait pas laissé la voix intacte, mais tout dépend de ce qu’on cherche dans un opéra : si vous n’envisagez pas Massenet autrement que chanté par Joan Sutherland, cet enregistrement n’est pas pour vous. Ici, l’actrice est admirable, donnant aux mots leur juste poids, convaincante dans toutes les facettes du personnage, dans la câlinerie comme dans l’invective.
Laurent Bury / Forum opera

L'article complet de Laurent Bury

LA PARTITION DE SAPHO par Guy DUMAZERT

Créateur-Protéé, et tout en restant fidèle à lui-même, à son esthétique profonde, à son originalité, Massenet brûlait de porter le combat sur tous les points où le succès et la mode lui permettraient de faire étinceler sa dextérité. Ce caméléonisme reste néanmoins formel et plus apparent que réel. Dans Esclarmonde le "wagnérisme ", tout extérieur, n'entache pas son génie propre, et dans La Navarraise donne une spirituelle leçon à Mascagni et aux véristes italiens, mais il écrit du pur Massenet, jaillissant, ramassé.
Son bagage musical, sa science approfondie l'autorisent à pratiquer cette escrime, de même qu'ils l'aident à planter le décor musical, à brosser ces petits tableaux familiers(comme au début de Werther), qui sertissent et font valoir l'action principale, le thème central : ainsi, durant l'épisode de l'auberge de Ville -d'Avray, les amusantes allusions-citations à Gluck, à Meyerbeer. Cette facilité d'adaptation, unie à un savoir, à une culture d'exception ont aussi contribué à faire de lui un des plus grands professeurs de composition que la France ait produits.
Donc, après l'expérience "vériste " de La Navarraise, notre habile homme cherche à gagner une nouvelle bataille, et c'est un de ses propres élèves, Alfred Bruneau, qui lui en fournit l'occasion. Avec L'Enfant Roi et L'attaque du moulin, Bruneau, disciple de Zola, avait été l'initiateur du drame lyrique à tendance naturaliste. Pour jouer sa propre carte dans cette lice et prouver que l'irrésistible voix de l'amour sonne aussi péremptoire, à notre époque, dans un modeste pavillon de banlieue que dans les palais de Byzance ou de Persépolis, Massenet pense tout aussitôt au brûlant, au fébrile roman de Daudet, qui avait triomphé dans sa transposition scénique, grâce à Jeanne Hading et à Réjane. Henri Cain, librettiste émérite, fut chargé, avec Bernède, de remodeler Sapho en pièce lyrique - et non en drame lyrique, ni opéra- comique- notons bien la nuance.
On pense parfois que le découpage en six tableaux correspond à une modification, à un rajout, postérieurement à la première. Il n'en est rien. C'est en fait la version jouée en 1897, et pratiquement toujours utilisée par la suite, qui constitue au contraire un arrangement, un rapiéçage hâtif. Que s'est-il donc passé ? Des raisons précises ont imposé au directeur Carvalho (qui jadis avait révélé Faust, Roméo et Juliette et Manon) de monter la pièce d'urgence, dès la fin de 1897, en condensant quelque peu le livret initial. D'abord, on ne disposait pas du ténor-acteur, à la fois lyrique et dramatique, que requiert, dans sa version intégrale, le rôle de Jean Gaussin. On venait de connaître pareille mésaventure avec Werther, des lors en purgatoire, et qui devait attendre la prestation du ténor Léon Beyle pour s'imposer à Paris. Leprestre, solide chanteur, venait de réaliser un Des Grieux très satisfaisant, mais un peu conventionnel, dans la lignée des ténors du XIX° siècle, dont Talazac avait été le parangon. Il lui manquait la fantaisie, la "vis tragica ", pour conférer vie et relief à la lecture des lettres de Sapho. Plus tard, Albert Carré pourra jouer gagnant avec Salignac, acteur inspiré. De plus, en brûlant les étapes et en passant très vite, on bénéficiait de la personnalité de la cantatrice Emma Calvé, à la fois reine du bel canto et tragédienne lyrique. Calvé avait ménagé une halte a Paris pour créer ce rôle si attachant mais, étoile filante, elle était tout de suite reprise par de lointaines tournées. Or Massenet voulait Calvé, avait besoin de Calvé, qui avait incarné sa pathétique Navarraise et dont le timbre vocal, la tessiture si particulière, lui apparaissaient indispensables pour chanter Sapho comme il l'entendait.
Enfin, et surtout, les amis de Daudet savaient sa fin proche. Afin de lui permettre d'assister à la première, les auteurs ont hâtivement rafistolé le livret, le condensant en cinq tableaux. De la sorte, Sapho put être représentée le 27 novembre 1897, en présence de Daudet, dont ce fut l'ultime sortie en public. Ce fut aussi le chant du cygne de Léon Carvalho, habile metteur en scène et découvreur de talents. Il mourut quelques semaines plus tard. Sur ce, Calvé dut partir pour d'autres cieux, et nulle ne prit la relève dans ce rôle écrasant.
L'œuvre, par son modernisme, surprit le public. C'était trois ans avant la création de Louise, et seul Bruneau avait tenté de présenter sur une scène lyrique un sujet contemporain, avec des personnages habillés à la mode d'alors, et usant du langage familier de la rue. Les paisibles bourgeois, abonnés de la Salle Favart ou des salles qui la remplaçaient, conservaient une dilection pour les rois, les fées, les héros exotiques et les princesses de rêve. L'aventure sentimentale, toute psychologique, d'une fille, modèle montmartrois, avec un jeune provençal déraciné-assez peu pour eux ! Ce public, obstinément épris d'aventures rocambolesques et de sentiments convenus, c'était le même qui, vingt-deux ans auparavant, avait boudé le réalisme de Carmen, malgré les précautions des librettistes, malgré Micaëla et les prestiges de la couleur locale. D'ailleurs, dans Sapho, la candide Irène ne remplit-elle pas le rôle de Micaëla ?
A l'opposé, les tenants du roman de Daudet, alors dans toutes les mémoires, ne se satisfaisaient guère d'une transposition lyrique. Les descriptions minutieuses, les raffinements de la subconscience ne franchissaient guère la rampe, et la modification du canevas, par la suppression de la scène des lettres de Sapho, dénaturait l'action.
Tout cela, le nouveau directeur de l'Opéra -Comique, Albert Carré, le sentait à l'évidence. Il connaissait fort bien la question : en association avec Porel, le mari de Réjane,
Il avait été directeur de théâtre, sur le boulevard. Un jour que Réjane traversait, avec son mari, une de ces périodes de brouille dont ils étaient coutumiers, il avait été amené à la mise en scène, dans Sapho, d'un des rôles les plus importants et les plus fêtes de la rivale de Sarah Berhardt.
Le souvenir de Sapho chatouillait toujours Carré qui, disposant enfin d'interprètes qualifiés, pria Massenet d'écrire la musique du tableau escamoté. Pour ce faire, le compositeur usa d'une extrême sobriété de moyens, mais comme toujours, de quelle virtuosité d'écriture !
La reprise de 1908-1909 valut à Marguerite Carré, dans le rôle-titre, et au ténor Thomas Salignac, si sincère, un succès triomphal. Spécialiste des œuvres du maître, Salignac réalisait un Werther et un Jongleur idéaux ; il porta aux nues le falot Jean Gaussin ; quant à Marguerite Carré, elle excellait dans Manon, comédienne autant que chanteuse. La partie de Fanny Legrand, double, contradictoire, reste marquée du sceau d'Emma Calvé. Il s'agit évidemment du rôle, tel qu'il a été conçu, et non "pointé " comme il le fut parfois pour d'autres artistes. Il exige des pianissimo faciles, des notes ténues -et tenues- dans l'aigu du soprano, en même temps qu'un registre grave très expressif. Or Calvé brillait à la fois dans les emplois dramatiques et dans les sopranos légers. Elle raconte dans ses mémoires comment elle apprit d'un des derniers chanteurs de la Chapelle Sixtine le contrôle d'un registre suraigu en voix de tête qui lui autorisait des effets doux et voilés, poétiques et mystérieux. Ainsi donnait-elle le si bémol aigu, à la fin de la chanson de Magali, dont elle avait demandé l'insertion dans Sapho. Ainsi en usait-elle encore dans d'autres morceaux dont le disque nous conserve son interprétation : Ma Lisette ou les couplets du Mysoli … Dans Sapho, comme dans tous les autres ouvrages de Massenet, c'est donc bien la voix universelle de l'amour qui se fait entendre. Pendant six tableaux, c'est Sapho tout entière à son Jean attachée. Jamais son impudeur lyrique ne s'était imposée aussi glorieusement. Un drame en six duos d'amour : gageure réussie…Mais le tableau est si bien brossé, la toile de fond si vivante, si animée ! Pour juger Massenet à sa vraie place, à sa juste valeur, il faut- tous ceux qui l'ont connu, tous ses élèves en ont témoigné- le jouer, le chanter comme il le désirait, et cela n'est réellement possible que dans une interprétation française. Même ses belles muses étrangères, Sybil Sanderson, Lucy Arbell, Mary Garden ont gagné à prendre place dans des ensembles lyriques de chez nous.
Il ne faut pas oublier, non plus, que l'interprétation de la musique de Massenet, technique savante et prosodie impeccable, ne s 'accommode pas d'une rigueur métronomique.
Il a écrit des mélodies destinées à être dites autant que chantées. Un parfait exemple d'interprétation massenétique, on peut le trouver dans une de ses mélodies : " Si tu veux, mignonne " enregistrée sur disque, il y a cinquante ans, par un de ses élèves, un de ses familiers, Reynaldo Hahn. L'interpretation, c'est sa façon de communiquer le charme. Il faut un certain rubato, qu'on ne peut noter, car si on met un point d'orgue sur une note, on l'a fait trop longue. On ne peut mettre : " Ad libitum ", expliquait malicieusement Reynaldo Hahn, parce qu'alors la chanteuse en profite terriblement. On ne peut mettre "moins en mesur ", parce qu'alors elle ne va plus en mesure du tout. Il y a quelque chose qu'on ne peut expliquer : il faut que les valeurs s'équilibrent les unes les autres. Il faut chanter cela avec charme.
Il y a aussi, chez Massenet, le pianissimo subit. Il l'employait perpétuellement en chantant lui-même, et ses interprètes l'employaient également. On ne sait plus faire ces pianos subits qui donnent l'impression de petits arrêts du cœur, de brusques surprises du sentiment. Il faut en user constamment en chantant du Massenet ; si on le chante d'une façon trop unie, trop académique, si on y apporte même de l'élégance, cela ne suffit pas. Il faut je ne sais quoi de nerveux, d'imprévu, d'un peu heurté, mais toujours dans ce charme qui est la marque de son talent.
Maintenant que nous pouvons juger avec le recul du temps, Sapho apparaît comme l'un des sommets émotifs de ce charme, expression, en musique, du Modern-Syle et de l'efflorescence lyrique de ce que nous avons accoutumé de nommer la Belle Epoque.

Guy DUMAZERT


Prix : €19.00 (Including TVA at 20%)


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