THAÏS
Comédie lyrique en trois actes
Poème de Louis Gallet, daprès Anatole France
Musique de Massenet
Thaïs...........................Elen DOSIA
Athanael.....................Paul CABANEL
Nicias.........................Georges NORé
Crobyle......................Huguette SAINT-ARNAUD
Myrtale.......................Madeleine DROU0T
Choeurs et Orchestre sous la direction
de Jules GRESSIER, Paris 13 Juin 1944
Acte 1
La Thébaïde
01 La paix soit avec vous
Athanaël, les Cénobites
02 Honte ! Horreur ! ténèbres éternelles
Athanaël
Une terrasse surplombant Alexandrie.
03 Voilà donc la terrible cité !
Athanaël
04 Ah !Ah !Ah !
Athanaël, cest toi
Crobyle, Myrtale, Nicias, Athanaël.
05 Je vais donc te revoir
Crobyle, Myrtale Nicias, Athanaël
06 Cest Thaïs, lidole fragile
Thaïs, Nicias, Athanaël, Churs
07 Qui te fait si sévère
Thaïs, Nicias, Athanaël, Churs
Acte 2
La chambre de Thaïs
08 Ah ! je suis seule, seule enfin
Scène et Air du miroir. Thaïs
09 Etranger, te voila comme tu lavais dit !
Thaïs, Athanaël
10 Non ! je lai dit, tu vivras
Athanaël, Thaïs, Nicias, 11 Méditation.
Acte 3
Le désert
12 Lardent soleil mécrase
Thaïs, Athanaël
13 Baigne deau tes mains et tes lèvres
Duo de loasis . Thaïs, Athanaël
Le couvent dAlbine.
14 C est toi, mon père
Mort de Thaïs. Thaïs, Athanaël
Soulagé par le triomphe de son Werther lors de sa création à lOpéra Impérial de Vienne le 16 février 1892, Massenet se met immédiatement à la recherche dun nouveau sujet susceptible dinspirer son imagination créatrice. Louis Gallet, auteur des livrets de Marie-Magdeleine, du Roi de Lahore et du Cid, lui propose alors, avec lappui de son éditeur Henri Heugel, de sinspirer de Thaïs, le roman dAnatole France.
Laventure de cette courtisane repentie avait déjà inspiré à Anatole France un long poème intitulé La légende de Sainte-Thaïs, comédienne, publié dans Le chasseur bibliographe , revue pour le moins confidentielle. Vingt ans plus tard, il reprend ce thème tiré de plusieurs sources, le théâtre de Hrotsvita, religieuse allemande du Xème siècle, La Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIème siècle) et sans doute La Tentation de Saint Antoine de Flaubert, pour en faire, sous le contrôle de son égérie, un roman où Il donne libre cours à son ironie et à son scepticisme. Un roman sulfureux à faire fouetter lauteur en place de grève , mais dont la perfection classique comparée à celle de Flaubert enchante la critique et qui, paru en 1890, connaît demblée un énorme succès.
Connaissant bien Massenet et lamour quil portait aux femmes, Louis Gallet fait de la belle Thaïs le personnage central de lopéra et non de Paphnuce, le cénobite dont il sempresse de changer le nom en celui dAthanaël pour éviter toute plaisanterie graveleuse; en outre il gomme le ton ironique du propos dAnatole France et tire une action dramatique dun sujet essentiellement mystique et psychologique, et cela hors de tout effet de goût douteux. Massenet est séduit par le sujet proposé et voit immédiatement en Thaïs Sibyl Sanderson, la belle américaine dont la voix allait du sol grave au contre-sol, trois octaves en pleine force et dans le pianissimo ! , pour laquelle il avait déjà écrit Esclarmonde et qui alors triomphait dans Manon à lOpéra-Comique. Carvalho, qui trouvant Werther trop triste, lavait laissé partir à Vienne, est ravi de retrouver Massenet. Las ! Pedro Gailhard , directeur de lOpéra, avait entre temps engagé Sanderson et Massenet doit revoir sa copie : Vous avez lartiste, louvrage la suivra ! Et cest ainsi, au grand dam de Carvalho, que Thaïs est créé à lOpéra le 16 mars 1894 avec Sibyl Sanderson, Jean-Francisque Delmas et Albert Alvarez, sous la direction de Paul Taffanel. Laccueil des critiques est très réservé. Certes, les artistes sont complimentés, mais louvrage ne fait lobjet que de jugements imprécis et vagues. Le public semble bouder, au point que Massenet transforme sa partition pour la reprise du 13 avril 1898 à lOpéra, mais ce nest quen 1907 que ThaÏs simpose à Paris avec la présence de Lina Cavalieri : sa beauté, sa plastique admirable, sa voix chaude et colorée, ses élans passionnés, empoignèrent le public qui la porta aux nues.
La présente sélection est dirigée par Jules Gressier. Formé successivement aux conservatoires de Roubaix puis de Lille, il se tourne très vite vers le répertoire lyrique. Tour à tour Henri Büsser et Reynaldo Hahn le prennent comme collaborateur. Il dirigera dans maintes villes de France avant de prendre la direction des émissions lyriques de la radio française, poste quil occupera pendant plus de quinze ans avec enthousiasme et compétence.
Née de parent grecs, Elen Dosia arrive en France, sa nouvelle patrie, à lâge de cinq ans. Elle fait ses humanités à Paris, entre en 1934 au Conservatoire pour en sortir deux ans plus tard avec les premiers prix. Aussitôt engagée à lOpéra-Comique, elle débute le 28 novembre 1936 dans La Tosca, avec pour partenaire Giuseppe Lugo, un triomphe qui lui vaut dêtre affichée dans La Bohème, Pelléas et Mélisande, La Traviata, Les Contes dHoffmann (Antonia), Grisélidis, Le Bon Roi Dagobert, LHeure Espagnole,
En 1939, elle débute à lOpéra dans La Chartreuse de Parme, puis y chante Juliette, Rozenn, Thaïs, Esclarmonde, Marguerite, Salomé et Desdémone,
De 1937 à 1940, elle assure la saison française de lOpéra de Chicago avec André Burdino. En 1939, elle est engagée au Met mais ne sy rendra quen 1947, pour trois saisons successives, y chantant Tosca, Manon et Mélisande (avec Jacques Jansen). En 1951, à Hollywood, elle tourne le film Of men of music. Très belle femme, excellente musicienne et comédienne racée, elle mit volontairement un terme à sa brillante carrière à lâge de quarante ans.
Né en 1891 à Oran et mort en 1958 à Paris, Paul Cabanel avait entamé ses études de droit lorsquil se sentit attiré par le chant. Au conservatoire de Toulouse il remporte les premiers prix. Il monte à Paris, mais il doit partir au front. Grièvement blessé en 1916 à Verdun, il ne retourne au Conservatoire quen 1919. Il obtient les premiers prix de chant et de déclamation lyrique. Il fait ses débuts au Théâtre royal du Caire dans Hérodiade puis y chante dans Faust, Thaïs et Manon. Très vite, on parle de lui, et ce sont dinterminables tournées en Belgique et dans toutes nos grandes villes. Il débute Salle Favart en 1932 sans un terrifiant baron Scarpia, auquel, quinze ans durant, succèderont Escamillo, Tonio, Figaro des Noces, Nilakantha, Basile, Colline, Lindorf, Coppelius, Dapertutto et Miracle. A lOpéra, il débute dans La Damnation de Faust, puis chante Leporello, Wotan, Athanaël, Papageno, Boris, Frère Laurent et surtout le Méphisto de Faust quil aura interprété près de mille fois dans sa longue et glorieuse carrière. Voix émouvante et belle, tour à tour comédien trépidant et poignant tragédien, Paul Cabanel, célèbre pour lautorité de sa déclamation, aura été lun des artistes lyriques français les plus complets.
Rien ne disposait Georges Noré, alias Léon Tournez, à la carrière dartiste lyrique sinon une jolie voix dans les patronages, lorsque, poussé par ses proches, il se présente à un concours de ténors organisé par le fameux Thomas Salignac. Il le remporte si brillamment que Jacques Rouché, présent à la finale, lengage sur le chanmp à lOpéra. Son premier rôle important sera Nicias en 1935. Viendra ensuite le remplacement en dernière minute de Georges Thill dans Rigoletto, lancement triomphal dune carrière parsemée de Mylio, de Werther, de des Grieux et surtout de Faust quil chanta plus de mille fois avec ce fabuleux contre-ut de la cavatine, un must parisien, provincial et européen.
Jean ZIEGLER